Under The Skin est le genre de film qui laisse profondément dubitatif : on peut le trouver tout aussi bien génial que totalement vain. On essaye de le décoder sans vraiment être sur que ça soit nécessaire, chacun tente de proposer son interprétation…C'est d'ailleurs ce que je ne ferais pas ici, d'abord parce que je me tromperais probablement, ensuite parce que c'est parfois abaisser l'art que de toujours vouloir l'ancrer dans les réalités concrètes.
La répétition des plans de la face de Scarlett Johansson dans sa voiture fait penser aux délires égocentriques de Vincent Gallo errant lui aussi mystérieusement dans The Brown Bunny.
Je n’avais pu vu un film aussi radical depuis Android
Dreams et j’apprécie souvent les tentatives d’expérimentations en cinéma
Il est plutôt drôle de voir Scarlett Johansson dans un rôle aussi inattendu, plus irréelle que jamais. Avec ce rôle d’extraterrestre habillé de façon horriblement vulgaire, comme
une péripatéticienne d’autoroute, elle confirme, après Don Jon, sa volonté de casser son image trop parfaite et de donner un tournant encore plus surprenant et engagé à
sa carrière. On est d'ailleurs étonné que Jonathan Glazer ait réussi à obtenir une actrice de son rang pour un pari aussi risqué.
Under The Skin a la forme d’un cauchemar. Les références semblent multiples : on pense d’abord à Lynch. Puis après avoir vu la scène de cet homme
transformé en ballon qui se perce on voit l’influence des plasticiens et du cinéma expérimental à proprement parler.
Ce cinéma extrêmement sensoriel rappelle aussi les apports de Kubrick (2001 et Shining).
Si le film semble par moment se traîner un petit peu en longueur, il n’empêche que cette tentative radicale et innovante a quelque chose de rafraîchissant. J’ai eu l’impression de voir une sorte
de Holy Motors en beaucoup mieux.
Une scène se détache du lot : le personnage joué par Scarlett Johansson tente de séduire un homme au visage difforme, sorte d'Elephant Man, sans
visiblement comprendre le stigmate qui est le sien. Cette scène avec cet homme, joué par un acteur par ailleurs réellement atteint par la maladie (la neurofibromatose) et qui milite pour une
autre perception des personnes défigurées à travers le collectif Changing Face – Face Equality , est à la fois extrêmement perturbante et gênante mais aussi touchante.
S'il est probablement facile de détester Under The Skin, il est une expérience à laquelle il est intéressant de se confronter, car malgré quelques longueurs, elle
foisonne d'idées et permet de satisfaire le désir de s'extraire des productions aseptisées.
Anatole
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